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Compte-rendu d'un débat sur les catastrophes naturelles

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Lando (webmaster)

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Du déluge au réchauffement de la Terre

les catastrophes naturelles dans l'histoire

Débat animé par Bernard Vincent, directeur d’études à l’EHESS
avec : Jean Andreau, directeur d’études à l’EHESS (Antiquité), Jacques Berlioz, directeur de recherche au CNRS (Moyen-Age), Alain Musset, directeur d’études à l’EHESS (Amérique Latine) et Anne-Marie Granet-Abisset, maître de conférences à l’université de Grenoble (Histoire contemporaine).

Durée du débat : 1 H30. Compte rendu dans l'ordre des interventions.


Les catastrophes sont des événements violents, brutaux, limités dans le temps. Les catastrophes naturelles impliquent le facteur humain, elles se situent entre un système social et un écosystème.

De quels documents dispose t-on pour étudier la catastrophe naturelle ?

- Jean Andreau : Dans l'Antiquité, les témoignages sur les catastrophes naturelles sont nombreux car ils sont liés à la religion.
Ces témoignages sont courts : littérature, théâtre (textes de Sénèque, la peste dans Oedipe), inscriptions votives, documents archéologiques (Pompéi, Herculanum).
- Jacques Berlioz : Pour la période du Moyen-Age, nous disposons de documents économiques car ces catastrophes entraînent des destructions et des reconstructions. Il y a des sources narratives mais elles proviennent essentiellement de gens d'Eglise. Les catastrophes sont interprétées comme étant des signes divins et donc amplifiées.
- Anne-Marie Granet : A l'époque contemporaine, on bénéficie de la mémoire des habitants d'un lieu, mais la mémoire oublie ou valorise. On aborde surtout la façon dont ces catastrophes sont perçues et comment les populations les vivent.

Comment expliquer les catastrophes naturelles ? Quelles en sont les causes ? Les conséquences ?

- Alain Musset : On a appris à séparer les explications religieuses et les explications scientifiques. Mais même aujourd'hui la religion a conservé une dimension explicative. Ainsi, le récent tremblement de terre au Salvador a donné lieu à un sondage dont la question centrale était : cette catastrophe est-elle un phénomène naturel ou la manifestation de la colère de Dieu ?
Pour 36% des personnes interrogées (dont 51% appartiennent aux classes populaires, mais 14% à des catégories intellectuelles de haut niveau), il s'agit bien d'un châtiment divin.
- Jean Andreau : Dans l'Antiquité, les catastrophes sont liées au divin. Elles font partie des prodiges. Elles avertissent que le pacte avec les dieux est partiellement rompu.
- Jacques Berlioz : Au Moyen-Age, l'Eglise sert de prisme. Les clercs donnent de nombreux renseignements. Ils commencent par les fautes commises qui seraient à l'origine de la catastrophe puis ils proposent d'autres explications. Ainsi, en 1219, Grenoble est sous les eaux. L'évêque accuse le diable puis fournit des causes géologiques et déclare qu'il faut reconstruire.
- Anne-Marie Granet : A l'époque moderne et contemporaine, l'administration prend le relais de l'Eglise. Les administrateurs, par exemple, critiquent les populations de montagne qui en faisant paître leurs bêtes provoquent le ravinement et déclenchent des catastrophes. Pour les administrateurs, cette attitude est la preuve que ces gens ne comprennent pas leur milieu et sont "arriérés". L'aménagement de digues et de routes est la seule solution, selon les Ponts et chaussées, de se protéger efficacement.
- Alain Musset : Dans les sociétés hispaniques, à la suite d'une catastrophe, on déplace la ou les villes sinistrées.
Quelles explications donne t-on aux catastrophes ?
A l'époque moderne, Lima a subi des tremblements de terre. Dans le but de les prévenir, le vice-roi impose aux femmes de rallonger leurs jupes. Elles doivent dissimuler leurs mollets afin de ne plus exciter la libido des hommes qui provoque la colère des dieux.
En 1674, un tremblement de terre secoue le Guatemala. L'administration demande à la population de creuser des trous dans les jardins. Pourquoi ? Car, selon les supputations de l'époque, de l'air s'accumule dans des grottes souterraines et s'il ne peut pas se libérer, cela provoque des tremblements de terre. C'est toute une science qui se construit en même temps que la pensée religieuse. On tente de prendre des mesures antisismiques.
- Anne-Marie Granet : La notion de risque c'est la menace que l'on assume. Mais, ces dernières années, on tend vers la notion de risque zéro. Avant, les populations se transmettaient un savoir comme par exemple le lieu des avalanches.
- Jacques Berlioz : Au Moyen-Age, les reconstructions se faisaient très rapidement surtout pour les dommages de guerre (guerre de cent ans). Quarante ans après l'effondrement du Mont Granier près de Chambéry, les lieux sont reconquis par la viticulture.
- Jean Andreau : Tacite affirme que les mesures prévues sur le long terme ne sont pas respectées longtemps.
- Jacques Berlioz : Au Moyen-Age, la catastrophe naturelle met en avant le pouvoir du prince, il acquiert une dimension importante. Le rôle du pouvoir ecclésiastique s'affirme à travers les aumônes.
- Alain Musset : En Amérique Latine, les conséquences des tremblements de terre se traduisent par le déplacement des villes. Cela suscite de nombreux débats et de projets urbains comme pour la ville de Concepcion au Chili. Les jésuites proposent un nouveau site, un site sableux. Le sable en s'infiltrant devait empêcher la constitution de stocks d'air et donc prévenir les tremblements de terre.
La plupart du temps, on refait les plans à l'identique afin de conserver les équilibres sociaux.

Comment les catastrophes sont-elles perçues ?

- Anne-Marie Granet : Tout dépend du contexte. Ainsi, en 1957 dans le Queyras, des inondations catastrophiques ravagent les champs et les maisons. Il y a une reconstruction dans la vallée avec des digues. Les capitaux investis dans cette reconstruction ont permis de développer le tourisme. La catastrophe a donc eu des effets positifs pour relancer le pays. Quarante-trois ans après, la même partie de la vallée est inondée. La préoccupation majeure est de rouvrir la route touristique. Cet événement n'apparaît plus comme une catastrophe naturelle mais comme un désastre écologique et économique.
Il y a une utilité de l'historien pour dresser des répertoires de catastrophes naturelles. On peut ainsi éviter d'implanter des sites nucléaires sur des espaces sismiques comme cela a été le cas en Arménie.
Ces catalogues permettent, en outre de prendre des décisions. L'historien doit travailler avec les disciplines des sciences de la terre. Il doit faire parler les archives tenant compte du fait que ce n'est pas parce que c'est absent des archives que cela n'a pas existé.
La perception des catastrophes est complexe. Certaines décisions des administrations ne sont pas acceptées par des populations dont on a parfois négligé la mémoire.
L'idéal serait d'établir une culture du risque mais qui peut la détenir et la transmettre ? Le discours de l'expert est généralement vite oublié. Parfois, on sait, on connaît le risque mais on l'élimine. Il y a une nécessité d'oublier pour vivre.

Un membre du public prend la parole. Il trouve que la division par époque pour évoquer les catastrophes n'est pas pertinente. Il aurait trouvé plus cohérent de proposer une typologie des catastrophes. Un séisme s'apprécie en fonction d'un temps géologique et non pas humain.
Réponse d'Alain Musset : A Mexico, il y a eu un tremblement de terre en 1957 et 1985, par conséquent des personnes ont pu connaître ces deux catastrophes. On est là dans le temps humain. L' Arménie a connu un séisme en 1988 mais avant, à la demande des autorités, un historien faisait des recherches sur le tremblement de terre de 60 avant J-C afin d'éviter d'implanter une centrale nucléaire dans une zone à risque. Là, le temps pris en considération est incontestablement humain en dépit de l'ancienneté du phénomène.

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