Deux échelles internes du Venezuela
dans son processus d’intégration avec la Colombie
Rapport du travail de terrain
Avril-mai 2009
Amanda Andrade-Benítez
dans son processus d’intégration avec la Colombie
Rapport du travail de terrain
Avril-mai 2009
Amanda Andrade-Benítez
Remerciements
Nous souhaitons remercier l’Ambassade de France au Venezuela pour le financement apporté par le “Prix Luis Castro Leiva 2008” qui nous a été décerné cette année et grâce auquel nous avons pu partir et faire la connaissance d’un pays aussi complexe et étonnant que le Venezuela.
1. Introduction
Le travail que nous présentons ici a pour objectif principal de faire connaître les résultats d’une observation de terrain réalisée autour du sujet suivant: “L’intégration associant la Colombie et le Venezuela dans une perspective multiscalaire”.
Au départ, la problématique posée était celle du rôle joué par les acteurs politiques et économiques frontaliers dans la configuration d’un processus d’intégration excluant leurs territoires. Il s’agissait de comprendre également quelles étaient les dynamiques d’intégration qui s’imposaient suivant l’échelle correspondant à la place de l’observateur. Dans cette même optique, il importait de savoir, d’une part, pourquoi ce phénomène avait pris cette forme particulière et si, d’autre part, celle-ci était le reflet des fluctuations des politiques que Caracas met en place dans une perspective purement centralisée. D’où la recherche de réponses dans la configuration même des niveaux de pouvoir nationaux afin de trouver des explications profondes du rôle joué par les acteurs politiques et économiques frontaliers dans l’instauration d’un processus qui exclut leur territoire. Dans ces conditions, notre but principal était alors de comprendre les stratégies mises en place par les acteurs politiques pour se faire entendre face au gouvernement central, dans des moments de crise binationale.
Le séjour que nous avons fait nous a ainsi permis de constater que, à la frontière occidentale vénézuélienne, dans l’enceinte de l’Etat Táchira il y a ce que Grimson a appelé un système d’échange commercial, culturel et même politique qui a été perçu de façon erronée par les centres de pouvoir politiques (1). Il nous semble que cette perception des acteurs à l’échelle centrale est déphasée dans le temps propre à l’espace où vivent les habitants de cette région frontalière –espace vécu-, pour reprendre Di Méo (2). En effet, il existe une relation subjective bien établie de ces habitants avec leur territoire, laquelle s’est imprégnée des valeurs culturelles qui reflètent leur appartenance à un groupe social. Pour autant, ce groupe ne s’arrête pas à la ligne de la frontière, puisqu’il est intégré aux populations colombiennes, sur le plan socio-économique et culturel.
Il est clair que l’observation des deux échelles internes dans l’intégration réciproque du Venezuela et de la Colombie nous a permis de noter l’existence de variables internes dont les effets se font sentir sur les territoires nationaux et sur les rapports qui se créent à l’échelle locale-frontalière et transfrontalière. Bien qu’il existe des relations d’interdépendance entre les deux pays, on ne se pose plus la question de savoir si l’on y rencontre le “Jeu de deux niveaux” auquel fait référence Putnam (3) pour expliquer les implications des variables internes dans les affaires internationales. Mais, en revanche, on cherche plutôt à savoir dans cette direction, quels sont les facteurs qui ont de l’influence sur le processus d’intégration binationale en cours.
1. Le terrain et la méthode : prise de conscience de l’importance de la sécurité à l’échelle frontalière
Pour répondre aux questions posées nous avons adopté une méthode de recherche basée sur des entretiens, l’étude de documents officiels comme les Actes de réunions des Conseils Législatifs, les rapports de gestion et les publications recueillis dans des organismes publics et privés. Notre séjour au Venezuela a duré 5 semaines. A Caracas où nous sommes restées 2 semaines, du 15 au 30 avril, nous avons mis sur pied des entretiens avec des acteurs du secteur public et privé. Pour des raisons de confidentialité, la liste de ces personnes n’a pas été mise en ligne.
Ensuite, nous nous sommes rendues dans l’Etat Táchira, état frontalier de la Colombie. Nous y sommes restée du 1er au 20 mai. Notre approche de terrain était axée sur les entretiens avec des acteurs politiques et économiques insérés dans le processus, c’est à dire qu’ils faisaient partie des institutions de l’Etat et du Gouvernement, ainsi qu’avec des personnes travaillant à la frontière. La liste de ces personnes se trouve dans l’Annexe 1(B).
A la frontière même, nous avons choisi de travailler sur les populations localisées au bord de l’axe frontalier, à San Antonio et Pedro María Ureña, ainsi que dans la capitale de l’Etat, San Cristobal. Les deux premières catégories de population ont une importance majeure car c’est sur leur lieu de résidence que passe 70% du commerce binational, lequel aurait dû atteindre cette année 8.000 milliards de dollars.
Mais le scandale des armes achetées par le Venezuela dans les années 80 et trouvées dans les mains de la guerilla colombienne de las Farc, a eu pour effet une la nouvelle crise politique entre Bogotá et Caracas et une baisse du commerce binational. Un fois arrivés dans cette région on a vu que compte tenu de l’insécurité présente dans la région, on devait modifier dans certain point la méthode envisagé. Nous avons réduit les entretiens avec des acteurs qui franchissent quotidiennement la frontière pour des raisons économiques (maleteros, merqueros, pimpineros, moto-taxistas) ou même avec de simples habitants. A la place, nous avons privilégié des observations directes afin de comprendre comment évoluait la dynamique des échanges frontaliers avec la Colombie.
En effet, au bout de deux jours de séjour à San Antonio, nous nous sommes aperçus qu’en plus d’être étrangère arrivant dans un groupe social, il y avait un autre élément qui nous empêchait un rapprochement avec les gens. Quand on a essayé d’établir contact avec des habitants ou des commerçants des villages, ils avaient des réactions un peu étranges, souvent méfiantes. Par exemple, on nous demandait : « Pourquoi voulez-vous savoir ça ? Qui êtes vous ? Qu’est-ce que vous faites-là ? » Cela étant des questions et des attitudes étranges dans une région où les gens sont normalement ouverts et décontractés.
Nous avons mis peu de temps à comprendre ce qui arrivait vraiment. Grâce à l’aide d’un habitant et homme politique qui un jour s’est approché de nous pendant qu’on cherchait à acheter des bolivares à Villa del Rosario, -du côté colombien de la frontière- on a pu comprendre les raisons pour lesquelles les gens étaient méfiants avec les inconnus.
Après une petite discussion sur les raisons de notre séjour, il nous a invité le lendemain à faire un parcours aux bords du Rio Táchira qui représente la ligne « naturelle » de démarcation frontalière binationale. Nous avons eu la chance de parcourir un terrain d’accès à cause difficile de la dynamique sociale dans laquelle sont insérées les populations installées des deux côtés de la frontière. En effet, du côté vénézuélien les habitants de ce territoire se sont installés il y peu de temps et ont construit des maisons sur le terrain d’une ancienne ferme. De nouvea ux quartiers sont ainsi apparus (invasiones) à la périphérie de San Antonio. Ces endroits on été récemment renommés avec des noms comme Mao Zedong, Lennin, Marx ou Ché Guevara afin d’attirer l’attention des autorités et trouver des solutions à leurs demandes sociales.
Etant donné que les habitants de ces quartiers sont des colombiens fuyant la violence politique de leur pays d’origine aussi bien que des vénézuéliens sans logement, cet espace est devenu un territoire clos appartenant aux gens sans ressources, auquel on a difficilement accès sans être accompagné par une personne connaissant les lieux, et surtout connue par les habitants.
L’importance du contrôle territorial des groupes paramilitaires sur ces populations frontalières est clairement apparue au cours de ce parcours. Les commerçants des principales rues de San Antonio et Villa del Rosario sont obligés de payer toutes les semaines un « impôt » connu sous le nom de vacuna (vaccin) aux groupes paramilitaires afin d’être épargnés par leurs activités délictuelles.
C’est pour cette raison que les habitants frontaliers ont peur de parler avec des inconnus. Il pourrait s’agir d’agents infiltrés de la police en quête des d’éléments probatoires de l’existence des paramilitaires en connivence avec la police locale.
Même si on a voulu ignorer au début de notre séjour sur la frontière cette dynamique, pour considérer que ceci ne faisait pas partie de notre intérêt pour aborder l’intégration binationale, nous avons compris que celle-ci est bien présente dans notre terrain d’étude. Pourtant, afin de poursuivre notre planning, nous avons décidé de privilégier des observations directes (ethnographiques) sur le terrain et de continuer à nous entretenir avec les acteurs privés et non pas avec ceux qui excercent des activités directes à an Antonio-Villa de Rosario.
En même temps, une telle situation nous a permis de voir cette problématique dans sa vraie dimension, et de considérer en tant qu’hypothèse que la sécurité dans la frontière a été un facteur qui, en conjonction avec d’autres problématiques sur ces territoires, est déterminante dans l’explication de la forme prise par le processus d’intégration à cette échelle. Ceci devient alors un sujet à la marge de notre étude, qui à son tour demandera un approfondissement.
Dernière édition par darkalain le Mar 25 Aoû - 13:51, édité 1 fois