Séminaire EHESS
Ville, société, justice
Vendredi 19 mars 2010
105 Bd Raspail, salle 11
9H-11H
Laure Leibler: Justice spatiale et transport, le cas du Métrocable de Medellin (Colombie)
Ville, société, justice
Vendredi 19 mars 2010
105 Bd Raspail, salle 11
9H-11H
Laure Leibler: Justice spatiale et transport, le cas du Métrocable de Medellin (Colombie)
La notion de “justice” s’impose de plus en plus comme un concept majeur pour faire et penser la ville. Développé aux Etats-Unis et en France, le concept de justice spatiale interroge le rôle de l’Etat dans la réduction des inégalités. En effet, les théories de justice sociale débattues dans les années soixante-dix ont mis en évidence que la production de l’injustice réside moins dans la différentiation entre les espaces que dans le traitement des inégalités sur le plan des représentations et de l’action politique. La puissance publique, c’est-à-dire l’Etat dans son rôle de gestion du territoire et de garant des droits, peut choisir de réduire (ou non) des inégalités spatiales en intervenant sur des espaces marqués par une situation donnée, des territoires, et ainsi faire acte de justice. En particulier, elle peut être amenée à intervenir afin de garantir l’accès aux biens publics et aux ressources de la ville. Or, sans une politique et un réseau de transport, tout ou partie des habitants d’un espace peut se trouver sans accès à ce qui fait la ville, à ses potentialités et possibilités. Le transport est donc un élément essentiel du droit à la ville puisqu’il permet de donner accès aux lieux clés comme les centres d’emploi, de santé, de justice, de culture, de décision et de représentation, c’est-à-dire à des lieux qui permettent aux citadins dans un Etat de Droit de réaliser leur citoyenneté. En organisant le transport, la puissance publique peut améliorer l’accessibilité à des territoires tout en favorisant la mobilité des individus. C’est pourquoi tant les discours et les politiques publiques que les revendications citadines sont amenées à se focaliser sur les transports. Dès lors, le concept “justice spatiale” permet d’une part de réunir dans un même mouvement deux aspects de la géographie des transports, mobilité et développement sur site, au travers de l’analyse des politiques publiques et de leur rôle dans la réduction d’inégalités spatiales et d’autre part, de mettre en avant le rôle des représentations et les discours à l’oeuvre dans les politiques concernées. Le projet du Métrocable de Medellin, Colombie, nous permet en particulier d’analyser les discours et la politique publique telle qu’elle a été conçue et réalisée ainsi que les impacts de cette politique de transport sur des inégalités, telle que la mobilité des habitants et l’accès aux territoires concernés.
Inauguré en 2004, le Métrocable est un téléphérique à usage de transport qui a permis de façon ingénieuse et unique de relier les quartiers populaires des hauteurs du Nord Est de Medellin aux deux lignes de Métro, permettant ainsi un accès aux lieux clés de la ville. Le Métrocable est une politique de transport volontaire, au nom de la justice sociale et du droit à la ville, d’implémentation d’un transport dans une zone dépourvue d’infrastructure étatique et marginalisée qui a donné ensuite lieu à un projet de rénovation urbaine centrée autour de l’espace public et de la citoyenneté, le Projet Urbanistique Intégral (PUI). Le projet Métrocable a été pensé par la Mairie et l’entreprise Métro comme un projet de justice sociale, de développement sur site et de désenclavement, “d’intégration” et “d’inclusion” sociale et territoriale. Il a été réalisé au nom d’un idéal de justice sociale et d’un droit à la ville. Au-delà des prétentions de la Mairie, le Métrocable a-t-il été un acte de justice spatiale ? A-t-il fait justice aux quartiers des Comunas, arrondissements, Popular et Santa Cruz, c’est-à-dire a-t-il effectivement réduit les inégalités spatiales ?
Le cas du Métrocable nous permet d’analyser d’un côté les discours, la place de l’idéal de justice dans le projet Métrocable et de l’autre la réduction effective des inégalités, en prenant soin de distinguer les deux niveaux. Notre cas d’étude permet d’interroger le cadre conceptuel de la “justice spatiale” en différentiant l’usage du concept de justice dans les politiques publiques, comme corollaire ou justification d’une politique “d’intégration” et de “récupération” de son usage par les géographes comme cadre conceptuel. Il permet également de différentier la manière dont est pensée une politique publique et son usage, sa continuité dans le temps, posant ainsi la question du lien entre une politique pensée juste et les impacts matériels sur le territoire à plusieurs échelles.
Inauguré en 2004, le Métrocable est un téléphérique à usage de transport qui a permis de façon ingénieuse et unique de relier les quartiers populaires des hauteurs du Nord Est de Medellin aux deux lignes de Métro, permettant ainsi un accès aux lieux clés de la ville. Le Métrocable est une politique de transport volontaire, au nom de la justice sociale et du droit à la ville, d’implémentation d’un transport dans une zone dépourvue d’infrastructure étatique et marginalisée qui a donné ensuite lieu à un projet de rénovation urbaine centrée autour de l’espace public et de la citoyenneté, le Projet Urbanistique Intégral (PUI). Le projet Métrocable a été pensé par la Mairie et l’entreprise Métro comme un projet de justice sociale, de développement sur site et de désenclavement, “d’intégration” et “d’inclusion” sociale et territoriale. Il a été réalisé au nom d’un idéal de justice sociale et d’un droit à la ville. Au-delà des prétentions de la Mairie, le Métrocable a-t-il été un acte de justice spatiale ? A-t-il fait justice aux quartiers des Comunas, arrondissements, Popular et Santa Cruz, c’est-à-dire a-t-il effectivement réduit les inégalités spatiales ?
Le cas du Métrocable nous permet d’analyser d’un côté les discours, la place de l’idéal de justice dans le projet Métrocable et de l’autre la réduction effective des inégalités, en prenant soin de distinguer les deux niveaux. Notre cas d’étude permet d’interroger le cadre conceptuel de la “justice spatiale” en différentiant l’usage du concept de justice dans les politiques publiques, comme corollaire ou justification d’une politique “d’intégration” et de “récupération” de son usage par les géographes comme cadre conceptuel. Il permet également de différentier la manière dont est pensée une politique publique et son usage, sa continuité dans le temps, posant ainsi la question du lien entre une politique pensée juste et les impacts matériels sur le territoire à plusieurs échelles.
Bibliographie indicative :
BOURDIN, Alain (dir.), Mobilité et écologie urbaine, Descartes & Cie, Paris, 2007.
BRET, Bernard, “équité territoriale”, hypergeo [en linea] < http://www.hypergeo.eu >, [Consultado el 02/02/2009]
FIGUEROA, Oscar, HENRY, Etienne, Les enjeux des transports dans les villes latino-américaines, Synthèse INRETS n°6, Arcueil, 1987.
GERVAIS-LAMBONY (dir.), Philippe, “Justice spatiale”, Annales de Géographie, n°665-666, Armand Colin, Paris, janvier-avril 2009.
HARVEY, David, Social Justice and the City, E. Arnold, Londres, 1973.
HARVEY, David,Justice,Nature and the Geography of Difference,Blackwell, Cambridge,1996.
LEFÈBVRE, Henri, Le Droit à la Ville, Anthropos, Paris, 1968, 3ème édition, 2009.
LEFEBVRE, Henri, «Les institutions de la société “post technologique”», 1973, Espace et politique, Le Droit à la ville II, deuxième édition, Anthropos, Paris, 2000.
LÉVY, Jean-Pierre, DUREAU Françoise (dir.), L’accès à la ville, Les mobilités spatiales en questions, L’Harmattan, Habitat et Sociétés, Paris, 2002.
LONDOÑO, Alicia, RAMIREZ, Clara, Nora E. Mesa, Nora, Brand, Peter (dir.) Aspectos socioculturales del proyecto tren metropolitano, Universidad nacional de Colombia, Postgrado en Planeación urbana, 1985.
MARCUSE, Peter, “Spatial Justice, Deravating but Causal of Social Injustice”, Justice Spatiale, Spatial Justice, n°1, septembre 2009.
MARCUSE, Peter (dir.), Searching for the Just City: Debates in Urban Theory and Practice, Taylor and Francis, 2009.
MUSSET, Alain, ¿ Geohistoria o geoficción ? Ciudades vulnerables y justicia espacial Editorial Universidad de Antioquia, Medellin, 2009.
RAWLS, John, traduit par AUDIARD, Cathérine, Théorie de la Justice, 1972, Couleur des idées, Seuil, 1987.
RAWLS, John, traduit par GUILLARME, Bertrand, La justice comme équité : une reformulation de Théorie de la justice (2001), par Paris, La Découverte, 2003.
RESTREPO, Nicanor, MUSSET, Alain (dir.), Transformation et influence des élites patronales d’Antioquia sur les politiques économiques et sociales colombiennes à partir de 1940. Thèse de doctorat, EHESS, Paris.
REYNAUD, Alain, Société, Espace et Justice, inégalités régionales et justice socio-spatiale, PUF, Paris, 1981.
SEN, Amartya, The Idea of Justice, Belknap Press, Cambridge, 2009.
SOJA, Edward, Postmetropolis, Critical Studies of Cities and Regions, Blackwell, Carlton, 2000.