Il était une fois au nord d’Almeria…
Sur les traces de Sergio Leone et du western spaghetti
Sur les traces de Sergio Leone et du western spaghetti
Début août 2016, afin de souffler un peu, nous avons décidé de passer quelques jours de vacances dans la région d’Almeria, au sud de l’Andalousie. Cependant, le but n’était pas d’aller se faire dorer sur des plages surpeuplées mais d’aller prospecter les lieux de tournage de quelques westerns qui ont marqué l’histoire du genre, en particulier ceux de Sergio Leone : « Pour une poignée de dollars », « Pour quelques dollars de plus », « Il était une fois dans l’ouest », « Le bon, la brute et le truand »…
Carte de localisation des lieux de tournage visités.
Notre première rencontre avec un plateau de tournage abandonné a été le fruit du hasard. Sur la route étroite menant à notre hôtel, le Balneario Alhamilla, nous avons pu voir un ensemble de cahutes tenues avec des planches qui faisait furieusement penser à un décor de cinéma.
En prenant la piste caillouteuse et poussiéreuse qui menait au site, nous avons pu rapidement nous rendre compte qu’il s’agissait de la reconstitution d’un village ressemblant furieusement aux pueblos croisés sur leur route par les héros de Sergio Leone.
L’illusion est d’autant plus parfaite que l’envers des bâtiments montre la véritable nature des façades chargées de tromper le spectateur.
Cependant, certains détails architecturaux comme les devants de porte des plus belles maisons m’ont mis la puce à l’oreille. Les décorations n’avaient qu’un rapport lointain avec le syle habituel des anciens pueblos éparpillés dans le désert du Texas, de l’Arizona ou du Nouveau-Mexique.
La réponse nous a été donnée par la propriétaire de l’hôtel. Pour tourner son film Exodus (2014), Ridley Scott a réutilisé des décors conçus pour des films antérieurs et a fait fabriquer sur place le village des esclaves hébreux exploités par Ramsès. Le même village a ensuite été retravaillé numériquement pour paraître beaucoup plus grand. Vestige de ce tournage, on peut encore voir la double allée de palmiers qui mène à la résidence du vice-roi.
Ce léger anachronisme ne nous a pas empêché de profiter de l’occasion pour improviser un combat au revolver avec les moyens du bord (pierre et bout de bois).
C’est à l’entrée du village que l’affrontement final a pris place, sous la forme d’un duel que n’aurait pas renié l’auteur de « Pour quelques dollars de plus ».
Il faut noter qu’une partie des décors « en dur », est située à quelques centaines de mètres de cet ensemble. Il s’agit d’anciens bâtiments de mine qui ont été réutilisés pour tourner des westerns. On y retrouve les éléments traditionnels des villes de l’ouest américain – en particulier le Saloon et Trading Post « Mendoza ».
Dès le lendemain matin nous sommes partis vers Tabernas et ses parcs à thème hérités de la grande époque du western spaguetti. Cependant, quelques kilomètres avant d’arriver, nous avons aperçu les ruines d’un décor de cinéma sur le bord de la route. Il était impossible de ne pas s’arrêter pour visiter les lieux et s’imprégner de l’atmosphère nostalgique d’une Ghost Town.
Toujours armé d’un bout de bois, j’arrête un dangereux outlaw pour le conduire à la prison – même si je crois qu’il ne restera pas longtemps derrière les barreaux à travers lesquels on voit le paysage.
Après une courte halte à Tabernas, direction Texas Hollywood (Ford Bravo), dont les décors ont servi au tournage de nombreux westerns. L’entrée coûte presque 20 euros mais les amateurs de cinéma en ont pour leur argent. On se promène dans une véritable ville de la frontière, on entre dans les magasins ou dans le saloon pour prendre une bière à la santé de Billy le Kid et, bien entendu, on peut acheter sur place les armes dont on a besoin pour se sentir dans la peau des personnages. Mon Colt Frontier à la main, je me précipite vers la banque et j’enfonce la porte à coups de pied.
Provoqué par un individu louche, je réplique immédiatement.
L’affaire est grave : un nouveau duel s’impose.
Mais entre desperados, on peut s’entendre pour éliminer le sheriff…
…Ou pour régler son compte à un rude concurrent, le sinistre Bloody Calou.
Cependant, il vaut mieux ne pas tourner le dos à ses amis…
Avant de quitter les troubles plaisirs de Texas Hollywood, une halte s’impose sous l’arche reconstituée d’ « Il était une fois dans l’ouest ». Les vestiges de l’édifice original sont à Monument Valley, aux USA, mais comment ne pas penser à cet air lancinant d’harmonica qui rythme la lenteur du film de Sergio Leone ?
Dernière étape de ce court périple sur les traces de Clint Eastwood et de Lee Van Cleef : le village d’Albaricoques, de l’autre côté de la Sierra Alhamilla. Sergio Leone y a tourné « Pour une poignée de dollars » et « Pour quelques dollars de plus » et on peut entrer dans la légende en rejouant les scènes mythiques des films.
Le panneau d’entrée ne cache pas ce que les habitants du village doivent à celui qui a révolutionné le western.
Si on prend la piste qui part d’Albaricoques pour se diriger vers l’est, on rencontre deux sites émouvants liés au tournage du « Bon, la brute et le truand ».
Il s’agit d’abord du caserio de Dona Francisca. Une partie des bâtiments est en ruines, mais une autre partie a été réhabilitée pour en faire des chambres d’hôtes.
L’autre ensemble est le Cortijo del Fraile qui correspond dans le film à la mission du père Ramirez.
L’église reste assez bien conservée.
En revanche, les autres bâtiments menacent de s’effondrer, quand ce n’est pas déjà fait. C'est d'autant plus regrettable que plusieurs scènes de Pour quelques dollars de plus ont été tournées sur place. C'est le refuge d'El Indio, violeur et assassin de la sœur du colonel Mortimer.
Un petit combat dans les ruines où Clint Eastwood et Lee Van Cleef se sont fait tabasser par les hommes de main d'El Indio ne peut pas faire de mal.
Une promenade dans les rues d’Albaricoques permet de retrouver l’atmosphère torride d’Aguas Calientes, le village mexicain de « Pour quelques dollars de plus ». Les autorités locales ont même pensé à donner toutes les informations nécessaires pour nous permettre de rejouer les scènes du film.
S’il n’y avait pas une voiture malencontreusement garée dans la rue, on pourrait y croire.
Le village s’est modernisé mais l’essentiel y est. Faute de cheval, on a ajouté un caniche.
Il faudrait interdire aux habitants d’Albaricoques de garer leur voiture en plein au milieu des scènes tournées par Sergio Leone.
Et pour conclure, bien entendu, le duel final arbitré par Clint Eastwood !